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10/12/2010 | FRANCE | N°2010-78

France | France, Conseil constitutionnel, 10 décembre 2010, 2010-78


Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 octobre 2010 par le Conseil d'État (décision n° 341827 du 6 octobre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société IMNOMA, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe IV de l'article 43 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée po

rtant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code général des impôt...

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 octobre 2010 par le Conseil d'État (décision n° 341827 du 6 octobre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société IMNOMA, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe IV de l'article 43 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu la décision du Conseil d'État n° 230169 du 7 juillet 2004 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 29 octobre 2010 ;

Vu les observations produites par la SELAFA CCPE, société d'avocats au barreau de Paris, pour la société requérante, enregistrées le 29 octobre 2010 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Pierre Beauvillard pour la société requérante et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 30 novembre 2010 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes du paragraphe IV de l'article 43 de la loi du 30 décembre 2004 susvisée : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et de l'application des dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, les impositions établies avant le 1er janvier 2005 ou les décisions prises sur les réclamations contentieuses présentées sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales sont réputées régulières en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de ce que le contribuable avait la faculté de demander la correction des écritures du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit. Toutefois, ces impositions ne peuvent être assorties que des intérêts de retard » ;

2. Considérant que, selon la société requérante, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant l'impôt, le principe d'égalité devant la loi, les principes de non-rétroactivité de la loi et de sécurité juridique, ainsi que les droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ;

4. Considérant, en conséquence, que, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; qu'en outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; qu'enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie ;

5. Considérant que, par la décision du 7 juillet 2004 susvisée, le Conseil d'État a jugé, après avoir cité l'article 38 2. du code général des impôts, « que lorsque les bénéfices imposables d'un contribuable ont été déterminés en application de ces dispositions, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ou d'une année d'imposition et entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable qui les a involontairement commises, ou à celle de l'administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan ; que les mêmes erreurs ou omissions, s'il est établi qu'elles se retrouvent dans les écritures de bilan d'autres exercices, doivent y être symétriquement corrigées, dès lors qu'elles ne revêtent pas, pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré et alors même que tout ou partie de ces exercices seraient couverts par la prescription prévue, notamment, aux articles L. 168 et L. 169 du livre des procédures fiscales » ; que cette décision a eu pour conséquence de permettre, à l'initiative soit du contribuable soit de l'administration, la « correction symétrique des bilans » à raison d'erreurs ou d'omissions dépourvues de caractère délibéré entachant les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice, sans que s'applique le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit ;

6. Considérant que le paragraphe I de l'article 43 de la loi du 30 décembre 2004 a rétabli pour l'avenir sous certaines conditions ce principe d'intangibilité ; que cette disposition s'applique, en vertu des paragraphes II et III du même article aux exercices clos à compter du 1er janvier 2005 et aux impositions établies à compter de cette date ; que, toutefois, son paragraphe IV valide les impositions établies avant cette date, ainsi que les décisions prises sur les réclamations, en tant qu'elles seraient contestées sur ce point par le contribuable ; qu'il s'ensuit que le législateur a réservé à l'État la faculté de se prévaloir, pour les impositions établies avant le 1er janvier 2005, de la jurisprudence précitée ;

7. Considérant que la validation contestée a pour effet de priver à titre rétroactif le seul contribuable du bénéfice de la jurisprudence précitée ; que l'atteinte ainsi portée à l'équilibre des droits des parties méconnaît les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, il y a lieu de déclarer le paragraphe IV de l'article 43 de la loi du 30 décembre 2004 contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit ;

8. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause » ; que la présente déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu'elle peut être invoquée dans les instances en cours à cette date et dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles,

DÉCIDE :

Article 1er.- Le paragraphe IV de l'article 43 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 est déclaré contraire à la Constitution.

Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 8.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 décembre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 10 décembre 2010.


Synthèse
Numéro de décision : 2010-78
Date de la décision : 10/12/2010
Société IMNOMA [Intangibilité du bilan d'ouverture]
Sens de l'arrêt : Non conformité totale
Type d'affaire : Question prioritaire de constitutionnalité

Références :

QPC du 10 décembre 2010 sur le site internet du Conseil constitutionnel
QPC du 10 décembre 2010 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Disposition législative (type)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°2010-78 QPC du 10 décembre 2010
Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:2010:2010.78.QPC
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